RIDM : «Arctic Defenders», Nunavut et Québec, même combat!

NOVEMBER 16, 2013, BY ISMAËL HOUDASSINE FOR LE HUFFINGTON POST QUÉBEC

Le réalisateur John Walker a le Grand Nord canadien dans la peau. Depuis tout jeune, ce Montréalais, qui réside maintenant à Halifax, entretient une profonde passion pour cette région. En 1968, il n’a que 16 ans lorsqu’il décide d’embarquer avec sa caméra 35 mm au cou dans un bateau qui le mènera au bout du monde, au cœur d’un pays peuplé d’icebergs, d’ours blancs et d’aurores boréales.

«Tout ce qui avait nourri mon imagination durant mon enfance prenait soudainement vie devant mes yeux, raconte le cinéaste en entrevue. Avant d’arriver à l’île Cornwallis dans le Haut-Arctique, sa destination finale, le navire avait parcouru un chemin que j’avais suivi kilomètre après kilomètre, m’extasiant devant chaque baleine que je rencontrais.»

Walker voit d’ailleurs cette aventure de jeunesse comme un véritable voyage initiatique. «C’est un moment qui marque vraiment le début pour moi en tant que réalisateur de documentaire. Aujourd’hui, je réalise que mon admiration pour le Grand Nord durant les années 60 révélait surtout mon rêve d’aller au contact des Inuits qui peuplent cette immense région», déclare-t-il.

Des années après son premier voyage, il apprendra que les Inuits qu’il avait rencontrés là-bas étaient en fait les descendants de familles déplacées par les autorités. «Dans les années 50, des familles entières ont été emmenées de force du nord du Québec pour se retrouver à plus de 2000 kilomètres de chez eux. On disait que c’était pour leur offrir des territoires de chasse, mais en fait, c’était surtout le moyen d’asseoir la souveraineté canadienne sur l’Arctique pendant la Guerre froide», explique-t-il.

Récemment, le gouvernement canadien a reconnu ses fautes et s’est officiellement excusé aux populations inuites déportées. N’empêche, les traumatismes demeurent puisque ces politiques auront brisé de nombreuses communautés inuites du Québec. «L’Arctique demeure une région extrêmement isolée. Le Canada ne veut pas y investir un dollar en infrastructure. Les Inuits qui ont été forcés de vivre dans l’Arctique canadien sont pris au piège avec des conditions de vie très difficiles», assure-t-il.

Voilà sans doute pourquoi le réalisateur de 61 ans a tenu à retourner avec son filmArctic Defenders sur les traces historiques des revendications politiques des Inuits. «Ils m’ont fait découvrir leur long combat pour la reconnaissance de leur culture», ajoute-t-il. De ses origines irlando-écossaises, John Walker garde ce côté frondeur et une conscience viscérale sur l’importance de préserver son identité. «J’ai aussi grandi au Québec où la politique est le sport national. Et puis, les discours sur l’indépendance m’ont très tôt fait réfléchir sur l’importance pour un peuple de voir reconnaître ses droits et sa spécificité», dit-il.

À ce titre, le documentaire raconte la prise de conscience des Inuits de se doter d’un gouvernement autonome. «La création du Nunavut est une histoire fascinante, car elle nous explique comment ils ont réussi à se débarrasser de la tutelle paternaliste des gouvernements canadiens successifs», déclare le cinéaste.

Selon lui, il ne fait aucun doute que le Grand Nord a toujours été une région délaissée par le gouvernement fédéral qui ne s’y intéresse qu’épisodiquement selon ses intérêts. «Les Inuits sont un peuple résiliant. Les nombreuses tentatives d’assimilation ont été des échecs même si elles ont fait beaucoup de mal. L’arrivée du Nunavut sur les cartes du Canada ne représente pas seulement la naissance d’un territoire, elle signifie avant tout la préservation d’une culture composée de traditions millénaires. Par sa présence, le Nunavut dit aux Canadiens que le Grand Nord est loin d’être un désert blanc. Qu’il existe dans cette région un peuple, une langue et une civilisation», affirme-t-il.